Sur les routes tchèques – A Český Krumlov
La tour vous observe
De la Moravie, les routes tchèques nous mènent à la Bohême, la vraie, pas celle qui achète des lampes en forme de cactus chez Ikea. A l’extrême sud ouest du pays, non loin des frontières autrichiennes et bavaroises, le relief est plus accidenté que les douces collines à blé que nous avions traversées jusqu’à présent. C’est ici, dans les lacets que la Vltava creuse dans la basse montagne, que se trouve l’étrange cité de Český Krumlov, qui selon le guide touristique devrait nous étonner.
Et il ne mentait pas ! On entre dans la vieille ville comme dans une faille spatio-temporelle. Ça serait un retour au Moyen-Age. Si la garde du seigneur des lieux patrouillait sur ce pont, là où cette jeune russe pose dangereusement sur le parapet. Si cet aubergiste servait breuvage et victuailles à des voyageurs venant de contrées lointaines … Oh wait ! Easyjet a remplacé le cheval, à part ça … On déambule dans de petites rues aux façades riches de détails, avec juste ce qu’il faut de décrépitude. Les gens profitent des terrasses et de la douceur de la soirée.
Depuis le haut de sa colline, le palais domine la ville. On l’a toujours en point de mire, nous rappelant notre rang et notre sang tout sauf noble. On peut s’asseoir en bord de Vltava, profitant de la fraîcheur de la rivière, une bière à la main, et regarder cette tour magnifique. Elle a des reflets roses et dorés au soleil couchant, on est loin du gris sinistre de nos châteaux forts.
Retour au Moyen-Age
Les témoignages d’un passé glorieux, d’une richesse inouïe, sont partout où le regard se pose. Český Krumlov était idéalement placée sur les routes commerciales, dans un corridor séparant les mondes nordiques, slaves et latins. Elle en a tiré fortune et depuis 1992, son centre est inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco. Théâtres et jardins, la renaissance italienne a inspiré les familles régnantes. Grandeur et décadence, la princesse Eleonore de Schwarzenberg aurait inspiré bien des histoires vampiriques. Dans la région, des squelettes auraient été inhumés la tête entre les jambes. Brrr …
Mais heureusement, nous ne sommes plus au Moyen Age. Les simples gueux que nous sommes peuvent très bien le visiter contre quelques pièces. Se promener dans les jardins, voir le pauvre ours qui habite les douves, rentrer dans la cour intérieure, monter en haut de cette tour et à son tour dominer la ville. De là, on aperçoit au nord quelques immeubles, c’est là que doivent habiter les Tchèques.
Touristes
Car le malaise avec Český Krumlov et ses splendeurs est qu’on a l’impression de déambuler dans un musée à ciel ouvert où chaque bâtisse du centre historique est un hôtel, un restaurant ou un bar, et la population, forcement, est poussée à la périphérie. Si nous avons été positivement surpris de la beauté de la ville, c’est à l’inverse pour la fréquentation insensée de ses rues, d’où viennent tous ces gens ? Tous n’arrivent pas en voiture de la paisible Moravie comme nous, c’est impossible. Des circuits organisés depuis Prague ? On peut s’y attendre en allant à Dubrovnik, mais ici, il n’y a même pas la mer ! (Dénoncer un problème tout en y contribuant, fait !) En tout cas, les chinois sont fous de cette ville et l’ont même cloné chez eux !
Jadis les marchands venaient de loin dans ce coin sud-ouest de République Tchèque, aujourd’hui c’est les touristes, et toujours la tour du palais qui garde un oeil sur eux ….