Alabama Hills – La fable du Putois et du Scorpion
Sur les hauteurs de Lone Pine, Californie, dans les fameuses Alabama Hills où tant de westerns furent tournés, deux habitants des lieux s’embrouillaient encore et toujours.
– Sans ces stupides humains tu crèverais la dalle, putois de mes deux …
– Je suis pas un putois, je suis une mouflette. Ce n’est pas moi qui pue, c’est ceux qui m’emmerdent trop, d’ailleurs si j’étais aussi vive que mon cousin d’Afrique le Suricate, il y a longtemps que je t’aurais décortiqué pour te les bouffer tes deux pinces.
– Et moi si j’étais aussi venimeux que mon cousin d’Afrique, il y a longtemps que je t’aurais mis mon aiguillon au fond de la gorge et tu pourrais toujours aller demander des médocs aux humains.
Dans les broussailles, les deux regardaient des touristes lutter contre le vent pour installer leur camp. Deux d’entre eux essayaient d’accrocher un fil à linge aux énormes rochers rouges, un autre appuyait sur la toile de tente d’une main, tendait l’autre pour attraper un caillou pendant que le côté opposé s’envolait. Ils avaient sorti du bois de la voiture, allaient-ils vraiment tenter d’allumer un feu avec ces rafales à décorner un bison ?
Les humains sont vraiment stupides, pensait le scorpion haineux, ils ont construit des maisons en béton dans la vallée, qu’est-ce qu’ils ont besoin de venir passer la nuit ici. C’est chez moi ici. Ils viennent cuire leurs saucisses au feu de bois ici, alors qu’ils ont tout le confort moderne en bas. C’est quoi ce besoin de régresser ? C’est chez moi ici. Chacun chez soi. Qu’ils s’avisent de le croiser pour qu’ils goûtent à son aiguillon, ah si seulement il était aussi venimeux que son cousin d’Afrique il en crèverait bien quelques-uns. Sa famille vivait ici depuis des millions d’années, durant des millions d’années il n’y avait eu que eux et de la poussière et un insecte à se mettre sous la pince de temps en temps. Et ce parasite de putois qui vivait à leurs crochets … Ah ça le dégoûtait.
Les humains sont vraiment stupides, pensait la mouflette avec un amour vache, ils viennent ici face à ce paysage grandiose pour oublier quelques instants le monde qu’ils ont construit, ils sont bizarres. Mais comme la plupart étaient empotés sans leur petit confort, elle profitait de leur inattention pour aller se servir à manger dans les coffres des voitures, sur les abord des tentes. De la dinde, des cookies à profusion sans le moindre effort. S’il fallait chasser à nouveau, elle serait bien emmerdée, rien que d’y penser, ça la faisait sourire. Quand elle se faisait prendre sur le fait, elle revenait dans la nuit pour dégazer sur leurs affaires. D’un côté, elle comprenait l’aigreur du scorpion, lui devait transformer quelques coléoptères en bouillie pour pouvoir s’alimenter, quelle vie de merde. Il ne lui restait que cette peur imbécile que sa simple vue provoquait. La mouflette était coquette et fin gourmet, elle rêvait d’aller en France, elle avait entendu des touristes de là-bas dire que la nourriture était dégueulasse ici, alors elle était bien curieuse de savoir ce que les gens mettaient à griller sur le feu dans ce pays. Un jour, elle sauterait dans un coffre et quitterait les Alabama Hills et cet abruti de scorpion.
La morale de cet histoire ? Demandez à Jean de La Fontaine.