Bosnie – Deux jours dans la capitale Sarajevo
Tramway et Cevapcici
Il est midi passé, nous sortons de la gare routière de Sarajevo que nous avons rejoint depuis Mostar. Pour ce faire, nous avons circulé au fond de gorges, entre des murs de roches, la Bosnie est un pays de montagnes, c’était magnifique. Le décor n’est plus le même. Ce genre d’endroit est rarement le plus reluisant des villes. Des migrants attendent leur tour sur des marches. Un carré d’herbe est jonché de détritus. Le tramway qui passe là semble avoir 100 ans. Le seul signe de modernisme est la tour de verre Avaz Twist qui tourne comme une vis vers le ciel. Nous sommes dans une capitale, et toute capitale se doit d’avoir une tour de ce genre, pour faire « quartier des affaires ».
Mais pour l’heure, il s’agirait de manger, il y a restaurant là devant qui fera très bien l’affaire. De grandes tables en bois style cantine, des ouvriers mangent leur Cevapcici. Il s‘agit de viande de bœuf ou d’agneau hachée et grillée, servi dans une pita avec des oignons, du fromage frais. Un pays dont le plat national est l’équivalent du sandwich à la saucisse ne peut pas être mauvais !
Le tramway nous amène jusqu’au pont Skenderija en passant devant l’école technique. Les bâtiments administratifs autour de la rivière Miljacka, les musées, les théâtres datent du XIXème siècle, ils ont été construits sous la domination austro-hongroise. Notre point de chute pour les deux jours que nous passerons ici n’est pas loin sur la carte, seulement le dénivelé est costaud. Il nous faut monter le versant sud de la ville. Alors on monte, tout pouilleux, on traverse un mariage musulman. On passe la voie express, la pente se fait encore plus accentuée, on croise une mamie qui a dû connaitre la domination ottomane, comment va-t-elle faire pour remonter ? Nos hôtes nous attendent sur la terrasse devant chez eux. La petite fille gère un compte AirBnB pour ses grands-parents. A peine passé le portail que nous voici avec de l’eau, du café, des gâteaux secs, adorables.
Parfum d’Orient à Bascarsija
Alors, que faire à Sarajevo à part monter des côtes ? Tout d’abord, flâner dans Bascarsija, le vieux quartier ottoman. On est soudain projeté en plein Moyen Orient. Les ruelles sont bordées d’échoppes plutôt destinées aux touristes :en plus des habituels magasins de souvenirs, il y a tissus et cuivres, peintures, luminaires et bijoux. Comme toujours, le flux arpente la rue principale, nommée Saraci, et dès qu’on bifurque, on est nettement plus tranquille. L’occasion de boire un thé sur banc devant un commerce de 3 m², les bières sont plus rares.
Si les pentes de Sarajevo sont hérissées de minarets, les mosquées les plus imposantes sont ici. Des croyants se lavent les pieds avec l’eau d’une fontaine, dans la cour ombragée de la mosquée Gazi Husrev Begova, histoire d’être propre pour aller prier. Une grande sensation de paix émane de l’endroit. Par respect nous n’allons pas plus loin. L’édifice date du XVIème siècle, il porte le nom de celui qui gouverna la région 17 ans durant sous le règne de Soliman le Magnifique, et qui lança la construction de ce qui est aujourd’hui cette vieille ville.
En face, le Morica Han est une vaste arrière-cour où les caravanes faisaient halte au Moyen-Age. Aujourd’hui, il y a un restaurant et un magasin de tissu pour un endroit des plus agréables. Plus loin, à l’extrémité du quartier, on arrive sur une place où trône une fontaine, autour les enfants courent après les pigeons. On a la vue sur les coupoles des mosquées, les toits des bains, tous bleus turquoise. Cette atmosphère orientale au cœur de l’Europe est vraiment surprenante, elle invite à la détente et nous déplace dans un autre espace-temps.
Jeux Olympiques d’hiver
Prenons de la hauteur, encore plus que chez nos hôtes. Un téléphérique amène en haut de la colline sud. De là, on a une vue panoramique sur l’ensemble de la ville. C’est aussi un départ de randonnée ainsi qu’un site sportif. En effet, les Jeux Olympiques d’hiver 1984 ont eu lieu à Sarajevo, et ici, au fond des bois, la végétation prend le dessus sur la piste de bobsleigh. Le tremplin de saut à ski, abandonné à quelques kilomètres de là est aussi une photo connue.
Guerre(s)
En redescendant, on passe devant les anciennes brasseries de la ville, reconverties en musée de la bière, c’est un bâtiment typique de la période austro-hongroise, comme l’hôtel de ville d’inspiration mauresque. Lui a la façade fraîche, mais referme un grand malheur en son cœur.
C’était une bibliothèque regroupant plus d’un million d’ouvrages, c’était aussi la mémoire de l’histoire et de la culture bosniaque. Durant la guerre des Balkans au début des années 90, les Serbes l’ont faite flamber. Il ne reste presque rien. Un génocide est aussi culturel, on veut faire disparaître le passé d’un peuple, son identité. On l’avait aussi constaté en Mongolie quelques mois plus tôt, par les destructions subies durant l’occupation soviétique. Contrairement à Mostar où les balafres de guerre sont bien visibles, le centre-ville de Sarajevo a pansé ses plaies. Pas de bâtiment en ruine, mais des rafales de tirs çà et là, notamment sur le mur de la cathédrale. Nul doute qu’elles ont été maintenues contre l’oubli.
Mais Sarajevo tient aussi un rôle majeur dans une autre guerre, la plus absurde de toutes, la première guerre mondiale. Au coin du pont latin, une plaque : ici a été assassiné l’archiduc François Ferdinand le 28 juin 1914. L’engrenage des alliances militaires se met en marche, des chefs d’états d’un autre siècle vont envoyer leur jeunesse à l’abattoir. 20 millions de morts en quatre ans, et le fait déclencheur s’est déroulé, ici, de la main d’un anarchiste serbe.
Convivialité à Sarajevo
La ville n’est pas très grande (400 000 habitants en 2013), mais son histoire est riche. Il faudrait un spécialiste pour nous expliquer tout ça. Ça tombe bien, voici un étudiant en histoire qui nous aborde, il propose de nous guider pour une visite dans le centre, pour le prix qu’on décidera. Banco, nous voici parti pour une heure entre lieux de cultes, café et bâtiments administratifs, dans les parties ottomanes et austro-hongroises. Il ne parle pas, il mitraille un anglais à fort accent local. Honnêtement, on ne comprend pas tout, mais très gentil.
En terrasse, c’est Cevapcici pour tout le monde, ici il vaut mieux aimer la viande. C’est l’heure de retrouver nos hôtes sur les hauteurs. Un taxi nous amène pour un euro du kilomètre, la vieille Mercedes brame dans la partie la plus pentue. Ils sont au même endroit que la veille. On communique comme on peut avec les quelques phrases toutes faites de notre guide touristiques. Ils apprécient l’effort. Arrive leur fille qui parle bien anglais, on discute un peu de la ville, du pays. Passe un voisin qui s’arrête pour saluer tout le monde. Il règne ici un esprit « village » des plus chaleureux. On leur enverra une carte postale de nos Landes.