Mongolie – Entre folk et karaoké, un anniversaire à Kharkhorin
26 mai 2018, en début d’après-midi,
Nous arrivons à Kharkhorin, l’ancienne capitale impériale dont il ne reste évidemment rien, puisqu’à semer le vent, on récolte la tempête. Aujourd’hui, j’ai les yeux rouges et les paupières enflées, sûrement à cause de la poussière et de la sècheresse de l’air. Un souvenir des dunes du Khongor Els. Je ne peux pas les garder ouvert si la lumière est trop intense. Par chance, le ciel est couvert. Et puis dans un pays où il y a encore des cas de peste noire, on ne se plaint pas.
Il y a ici un musée dédié au passé de la ville et à l’empire mongol en général. Il est récent, varie les supports d’information, petits films, cartes, maquettes, reliques.
A son apogée, l’empire s’étendait de la Hongrie au Vietnam, et Kharkhorin en était le centre. Ici différentes religions cohabitaient, les visiteurs du monde entier, comme Marco Polo, affluaient. Eku, notre guide, nous raconte que lorsque Genghis Khan s’emparait d’une nouvelle contrée, il n’y imposait pas son mode de vie mais la paix et l’opulence. Alors que la conquête s’était surement faite dans le sang. Puisqu’il nous raconte aussi la plus célèbre des prises, celle de Bagdad, alors une des villes les plus peuplés au monde dans une des civilisations les plus avancées scientifiquement. Les cavaliers mongols sont en infime minorité mais imposent la peur, inspirent la terreur. Ils massacrent la moitié de la population dans une cruauté sans borne et l’autre se soumet (l’exactitude historique n’est pas ici garantie). Un empire paisible à l’intérieur, terrible à l’extérieur. Paradoxal.
Il y a aussi dans cette ville le seul temple bouddhiste debout du pays, celui d’Erdene Zuu, nous le visiterons demain.
Un anniv’ à Kharkhorin
Mais aujourd’hui est aussi mon anniversaire, alors on cherche un endroit où boire un verre. On s’installe dans un bar karaoké, les mongols aiment le karaoké. Il ressemble à un restaurant asiatique de zone commerciale. C’est désert, on s’assoit sur une banquette et on commande une tournée de Tigers, bière de Singapour. Comme lors de plusieurs soirées, on discute avec Eku : « tu connais ce film ? », « Et, toi ce groupe ? » Il nous fait écouter des jeunes artistes mongols qui mélangent traditions et musiques modernes, notamment un qui pose son chant diphonique, venu du fond de la gorge et des cérémonies chamaniques, sur des rythmes hip-hop.
Notre chauffeur Dashka s’éloigne vers la télé qui diffuse des clips folk. Le folk mongol parle de l’immensité des steppes, des chevaux, des aigles dans des vidéos très kitsch. Les chanteuses font trainer chaque syllabe comme pour mieux marquer l’infini. Quand il revient sur la banquette à la tournée suivante, on lui montre une vidéo de Nadau, du folklore de chez nous, en patois avec des instruments traditionnels, et ça l’intéresse.
Des filles sortent d’un salon karaoké,
Des filles sortent d’un salon karaoké, ils sont dans ses pièces séparées, mettant un terme au calme ambiant. Elles viennent recommander et demander de la musique. Une vient discuter, elles sont des professeurs du collège, elles viennent fêter l’anniversaire d’une collègue, elles sont gentiment saoules. La salle de restaurant déserte se transforme en piste de danse avec des titres de dance ricaine bien épaisse, elles nous invitent à nous lever. Elles payent leur tournée, on remet la nôtre.
En quelques minutes, la salle se remplit de jeunes du coin. On nous sourit, nous serre la main, on se présente, on communique comme on peut. On nous bouscule aussi, avec le sourire, peut-être des fils d’éleveurs qui veulent voir qui c’est les plus forts. Bon, c’est eux, c’est sûr. L’un d’eux montre sa médaille « Genghis », il est partout celui-là. Le symbole d’une puissance perdue depuis des lustres, un nationalisme émergeant, d’un pays qui cherche à exister entre les géants russes et chinois. C’est plus bête que méchant. Si chez nous un étranger rentre dans un bar, il y aura toujours un imbécile pour faire une réflexion à voix haute, pour fait comprendre qu’il n’est pas chez lui, au cas où il se sentirait trop en confiance.
Eku nous fait signe qu’il est temps de partir, au cas où, l’alcool aidant, ça devienne plus méchant que bête. Ce n’est pas tous les ans qu’on fête son anniversaire dans un karaoké de Kharkhorin.