Monténégro – Dans les bouches de Kotor
Bien arrivé, les pieds dans l’eau
Enfin nous flottons dans l’eau claire des bouches de Kotor, au bout d’un ponton de Ljuta. Autour de nous, des Russes en résidence secondaire lézardent, les montagnes tombent dans la mer. On l’a bien mérité. Pour arriver là, de l’aéroport de Dubrovnik nous avons pris une navette jusqu’au centre-ville. Là, nous étions deux fois plus de possesseurs de tickets pour Kotor que de sièges disponibles. Le chauffeur à nuque longue ne parlait pas un mot d’anglais. Il envoyait paître tous les touristes énervés par la chaleur et la situation, puis nous conduisit à tombeau ouvert vers le sud. Un aperçu du caractère balkanique entre excès et jemenfoutisme, comme dans les films de Kusturica.
Qu’est qu’on fait là ? Quinze jours de vacances à travers Monténégro et Bosnie pour découvrir cette mosaïque de cultures et profiter de la douceur de la nature environnante. Mais pour l’heure, on attend le bus. On regarde passer les vieilles Mercedes d’où s’échappent CO2 et dance orientale. On attend le bus parce qu’il nous semblait pas nécessaire de louer une voiture pour visiter ce chapelet de villes et villages pas si éloignés les uns des autres. Il passe toutes les demi-heures. Oui mais à quelle heure ? Dans cinq minutes. On discute avec les autres personnes qui attendent. Des fois il finit par arriver, des fois non. Il coûte un euro. Des taxis occasionnels s’arrêtent, certains demandent le même prix, d’autres 15 euros. On y va, on n’y va pas. Il est important de prendre ça avec philosophie, ainsi va la vie ici, profitons-en pour oublier montre et téléphone.
Rien faire à Perast
A Perast, tout rappelle un passé glorieux, églises et anciens palais aux couleurs claires font face à la baie. La ville est inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO, l’endroit a été au fil des siècles sous influences vénitiennes, ottomanes puis austro-hongroises. C’était une cité marchande au Moyen Age, ruelles étroites et escaliers montent sur les contreforts. La vie semble douce, ici, les gens discutent calmement au milieu de la route.
De petits bateaux amènent les touristes sur un îlot artificiel fait d’épaves et de pierres. Dessus, Notre-Dame-du-Rocher offre une belle vue sur le village, l’intérieur est riche de peintures et renferme environ 2000 tablettes d’argent sculptées de scènes de pêche. C’est la plus grande collection au monde (la seule ?). L’extérieur est plus joli de loin, le beau dôme est en fait dans une espèce de tôle à l’aspect plastique, dont la couleur imite à la perfection le vert de gris de la corrosion du cuivre.
De retour sur la terre ferme, il serait dommage de ne pas manger en bord de mer. Sur la terrasse de chez Conte, on entend les clapotis de l’eau contre le ponton. L’occasion de déguster un bon poisson grillé ou des fruits de mer, on peut se faire plaisir pour une vingtaine d’euro par tête, dans un cadre qui serait inabordable pour beaucoup en France. Et c’est succulent.
Pour se baigner, les gens descendent dans l’eau le long d’échelles, font trois brasses, bronzent un peu et rentrent chez eux. Il y a des chaises pliantes, çà et là le long de la rue, on ne sait pas trop ce qui est privé, ce qui est public. Plus loin, le Pirate Bar possède sa propre plage. On peut consommer et se mettre sur un transat, ou bien poser sa serviette n’importe où. La plage est très étroite, les gens n’ont pas peur de la promiscuité et semble y être habitués. Mais c’est dur quand on vient des grandes plages landaises ! En plus, des locaux taillés comme des nageurs olympiques peuvent causer quelques complexes. Ici le water-polo est un sport qui compte.
Flâner à Kotor
Quelques kilomètres plus loin, la ville de Kotor ne fait pas face à la baie qui porte son nom. La « stari grad », la vieille ville, tout du moins, parce qu’au port de plaisance accostent des navires de croisière remplis de touristes. Elle se cache derrière un imposant mur d’enceinte qui donne sur une grande place. En début de soirée, quand la température est un peu descendue, c’est un véritable bonheur de déambuler dans ce labyrinthe de ruelles et de placettes au détour desquels on tombe sur l’église orthodoxe Saint Nicolas, le palais Drago ou de simples façades au charme fou. La fréquentation n’est pas folle, rien à voir avec la démence de Dubrovnik, à chacun de choisir le restaurant, la terrasse qu’il lui plaît. Les commerces n’ont rien d’industriel, la ville conserve une certaine authenticité, on ne se sent pas un portefeuille sur pattes.
Sur les bancs d’une place contre les remparts nord, des gens caressent des chats qui, eux, cherchent à manger, des dizaines de chats en plus ou moins bonne santé. Des mamans écartent leur enfant pour ne pas qu’il les touche. Ces félins maigres sont même l’emblème de la ville, il y a un musée des chats, ils sont dans tous les magasins de souvenirs, sous toutes formes.
Si on lève les yeux vers la montagne, on aperçoit des fortifications et une église sur son flanc, un chemin au départ de la vieille ville y mène. Plus loin, la route de la Serpentine ne compte pas moins d’une trentaine de virages en épingle à cheveux. Elle monte vers le massif du Lovcen et rejoint le centre du pays.
Autour de la presqu’île de Lustica
Pour sortir des bouches de Kotor, le bus permet de grandes étapes vers les plus grandes villes du pays et surtout la côte Adriatique. Pour la suite, pour plus de liberté, louer une voiture semble indispensable. Pas de problème pour ceux qui l’ont prise dès l’aéroport de Dubrovnik, bien qu’ils aient payé une taxe pour passer la frontière. Les loueurs internationaux sont à l’aéroport de Tivat. Sinon, avec la plateforme Rentalcars, on peut s’en faire amener une à la gare routière de Kotor.
Car aujourd’hui, direction la presqu’île de Lustica. On passe au large de Tivat, qui a la prétention d’être le « Monaco du Montenegro ». Lustica, ses routes minuscules larges pour un seul véhicule, où les branches tapent sur les rétroviseurs. Sur toute la longueur nord, nous surplombons la baie, le spectacle est grandiose. Nous ne croisons pas grand monde, heureusement. Tout au bout, le petit port de Rose est tout mignon. Toujours les mêmes pontons, des taxis boat veulent nous amener on ne sait pas trop où.
Nous descendons plus bas vers Zanjic, laissons la voiture sous les pins. La plage est, comme à Perast, un bar privé, il faut marcher un peu pour en trouver une plus sauvage après Mirista. Le fort Arza marque l’entrée des bouches de Kotor, de l’autre côté, la mer Adriatique. C’est un petit bout de rêve, quelques voiliers croisent autour d’un îlot où se dresse une citadelle. L’eau est chaude et claire, le temps s’arrête. Attention cependant aux oursins, il n’est pas conseillé de se baigner pieds nus.
Chantiers et poubelles
Il faut bien repartir sur nos routes étroites, on passe des carcasses de voitures, des maisons qui ne seront peut-être jamais achevée, des chantiers stoppés depuis des lustres, des décharges au détour d’un virage. Il vaut mieux garder les yeux levés et se concentrer sur ce qui est beau. Les Monténégrins veulent tous leur part du tourisme et sont en train de tout saloper. Sans parler des investissements clinquants: au sud de la péninsule, le village de luxe Lustica Bay est en train de voir le jour. A priori, Russes et Serbes investissent massivement ici. Entre Tivat et Kotor, des résidences de luxe sont achevés mais vides. Et puis les infrastructures élémentaires, voirie, traitement des ordures, peuvent-elles suivre ?
Nous avons vu à Perast et en face, à Prcanj, quelques anciens palais de riches familles marchandes à l’abandon, somptueuses demeures en décrépitude. Si ces gens avaient un peu de bon goût, c’est dans ces nobles bâtisses qu’ils investiraient !
Malgré ses points négatifs qui risquent de se voir de plus en plus dans le paysage monténégrin, nous avons gardé les bons côtés de la baie de Kotor et de ses villes et villages encore bien préservés, un coin de Méditerranée béni des Dieux. Et puis la vue de la montagne qui tombe dans la mer, depuis les pontons de Ljuta, c’est quand même une des plus belles choses qui soit !
Demain, nous poursuivrons notre route à travers le Monténégro, nous arriverons au nord du lac Skadar en passant par le massif du Lovcen.