Quand on déplie la carte du Monténégro, impossible de ne pas voir le lac Skadar, 370km² entre Podgorica, la mer Adriatique et l’Albanie, pays sur lequel il déborde allègrement. Après l’eau salée des bouches de Kotor et ses bateaux de croisières, nous roulons vers l’eau douce, les villages de pêcheurs et les tranches de carpe grillée. Changement d’ambiance à prévoir.

Saucisses à Cetinje

Pour l’heure, nous sommes dans le massif du Lovcen. La route est large et neuve, ça change de la trentaine d’épingles à cheveux de la Serpentine. Le Monténégro se lance dans les grands travaux pour désenclaver le centre et le nord du pays. Une fois quitté le littoral, il n’y a que de la montagne et les trajets sont longs. Alors, on dynamite tout, on fait des ponts, des tunnels quitte à balafrer le paysage. C’est un choix. A Cetinje, on mange un mètre de saucisses au porc du Lovcen. Petite balade dans la petite ville qui attend paisiblement l’orage. Ici, le roi Nicolas 1er avait son palais. Ce fut la capitale du Monténégro à partir de l’indépendance du pays en 1878 et jusqu’à la création de la Yougoslavie. Il y a des musées à ce sujet, que nous ne prendrons pas le temps de visiter.

 

En contrebas, Karucs somnole les pieds dans l’eau …

Les villages endormis du nord Skadar

Avant Podgorica, capitale qui a priori n’offre que peu d’intérêt aux visiteurs, nous tournons sur des petites routes digne de la presqu’île de Lustica. D’après des forums, les locaux conduiraient comme des fous furieux, c’est faux, ce sont les routes qui sont dangereuses, ne laissant pas assez de place pour se croiser. Prudence alors ! Nous avons le temps. En face, plus bas, les prémices du lac, de grandes étendues où circulent des ruisseaux et pâture du bétail. Un peu plus loin, Karucs, village lacustre endormi dans sa végétation. Le plafond est bas et l’humidité pesante. Le tableau est magique vu d’en haut, mais en bas, c’est plus que pittoresque. Il n’y a pas âme qui vive, ah si, deux pochtrons qui parlent de Saint Pétersbourg. Les barques sont prises dans la vase. Le commerce bar restaurant n’a pas ouvert aujourd’hui, peut-être qu’hier non plus.

Dodosi est un peu plus peuplé, quelques personnes âgées discutent sur un banc. Les maisons ont des terrasses abritées du soleil par des toits de vignes aux grappes bientôt mûres. Sur une péniche buvette, trois jeunes s’ennuient et attendent les touristes. On est là. Le pays est une destination à la mode, tout le monde veut sa part du tourisme, mais il n’y en a pas pour tout le monde. Et franchement, pas grand-monde n’a l’air de venir jusqu’ici, comme pas grand-monde ne semble s’arrêter au bord de la route où des papis et mamies vendent leur huile d’olives.

 

Le horseshoe monténégrin ….

De Rijeka à Virpazar

Plus loin, en face d’un hôtel fermé, une rivière qui se jette dans le lac marque un méandre en fer à cheval, le décor est grandiose. La route descend vers Rijeka, une petite ville « hors du temps » d’après notre guide, ce qui signifie « décrépie » en vrai. Le long de la rue principale, les immeubles sont très délabrés, sales. Au bord de la rivière, les taxi-boats sont plus nombreux que la poignée de touristes qui semblent attendre que le temps passe. Heureusement, nous n’avons rien réservé pour la nuit, et descendons encore jusqu’à Virpazar.

La ville qui semblait quand même de moyenne importance sur la carte contiendrait presque dans un terrain de foot. L’ambiance est plus chaleureuse qu’à Rijeka, des mamies discutent en bas des habitations ou s’interpellent d’une fenêtre à l’autre. Les terrasses sont pleines. Des groupes de jeunes rentrent du lac, pagaie à la main, c’est d’ici que partent les embarcations qui vont vers les eaux du Skadar. A ce sujet, là, on a de la chance, la voisine de la dame qui nous loue une piaule tient Milica Boat (du prénom de sa fille) et a des places dans un bateau qui part à 8h le lendemain. Elle vient de tourner pour l’émission télé « Échappées Belles ». Banco.

 

A bord d’un petit bateau à moteur, nous traçons au milieu des nénuphars …

A 8h, les oiseaux sont chez eux sur les eaux du lac Skadar …

Flotter sur le lac Skadar

Le lendemain matin, nous sommes quatre sous la tonnelle d’un petit bateau qui file sur le canal rejoignant le lac. Entre de grandes plantes aquatiques, on dérange poules d’eau et petits échassiers. A part eux, nous sommes seuls. La paix absolue. Le jeune homme au gouvernail parle un bon anglais, commente, renseigne sans trop en faire, en laissant le paysage parler de lui-même. Nous sommes au nord du Skadar et il s’étend autour des montagnes, deux cônes jumeaux à l’horizon ont été surnommés les seins de Sofia Loren par des touristes italiens et c’est resté. Déjà, le Monténégro doit son nom aux navires vénitiens qui passaient au large et qui ne voyaient que des montagnes noires depuis le pont.

Ces deux heures à se laisser flotter au milieu des nénuphars sont un pur bonheur. Nous rentrons vers le village à contre-courant des bateaux qui se suivent en rang d’oignons. Ils ne ressentiront sûrement pas la même chose que nous. C’est avec le sentiment d’avoir été privilégiés que nous regagnons la rive.

 

Les routes qui longent le Skadar …

Vers l’Abanie

La plupart des visiteurs doivent venir ici pour la journée depuis la côte. Nous, nous continuons vers l’Albanie. La route surplombe le lac qui, au sud de Virpazar, devient vraiment un lac, c’est-à-dire une vaste étendue d’eau dont on ne voit même pas la rive opposée, le ciel étant légèrement voilé. Les premiers minarets pointent vers les nuages, la population est musulmane au sud du pays. On descend à Murici manger une généreuse tranche de carpe grillée au bord de l’eau, pour presque rien. Il y a là un camping et des vaches qui passent sur la plage. Le vent se lève et l’eau passe du bleu au noir. Ce soir, on sera à Ulcinj, la station balnéaire préférée des Albanais, ça promet d’être moins calme.

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