Le 29 mai à Oulan Bator.

Nous avions arpenté le désert du Gobi et la vallée de l’Orkhon une dizaine de jours. Nous avions un chauffeur expérimenté et un guide dynamique à notre service, tout était organisé. Combien de temps aurions-nous mis pour faire ce parcours par nous-même ? Un mois ? Peut-être serions-nous en train de sécher dans un 4×4 au beau milieu de nulle part … Dachka au volant de son UAZ prenait les pistes de tête. Que peut la technologie de base contre les routes mouvantes qui s’effacent et renaissent avec les pluies soudaines et le vent ? De retour à la capitale, on s’apprêtait à repartir dans l’immensité, seuls cette fois. Dans les parcs les plus proches, qui bordent la route. En deux jours, nous visions un tour dans le Khustai et dans le Khogno Tarna suivant.

On est mal équipé.

D’abord, il faut louer une voiture, nous choisissons une enseigne internationale, dont le bureau est dans la Blue Sky Tower, le building moderne en forme de voile bleue qui domine le centre. La Jeep UAZ que nous avions vue sur internet vient de partir. Reste un SUV Chevrolet, ça devrait faire l’affaire, pas le choix de toute façon. Le jeune employé nous présente le bolide, dans le coffre il y a une roue explosée. Pas question de partir avec seulement quatre roues valides, « vous pouvez le faire réparer sur la route » qu’il nous dit. Toujours pas question, il s’arrange, une autre roue arrive d’une autre agence pas loin. Finalement, ils changent toutes les roues, ça prend plusieurs heures. Ces mécanos ne travailleront jamais dans une écurie de F1, nous sommes dans un autre espace-temps, c’est comme ça. Nous ne ferons que le Khustai, inutile de tout faire dans la précipitation.

Le basket est la nouvelle passion des Mongols.

Nous y arrivons à la tombée de la nuit. La voiture ne se comporte pas très bien, les amortisseurs sont morts. Elle a pris un gros shoot et n’a visiblement pas été checkée à son dernier retour au garage, c’est quand même inquiétant. On nous a prêté des tentes. Mais il manque les piquets. Pas grave, il y a un camp de gers ultra-modernes à proximité. Le patron doit avoir 25 ans, il est en train de jouer au basket sur un panneau faisant face aux collines du parc, une sorte de golden boy local. On doit faire pitié puisqu’il juge que la nuitée est trop chère pour nous, mais très gentil, il nous présente à la cuisinière qui nous accueillera chez elle. On n’est pas à cinq près là-dessous, ça fera très bien l’affaire.

Marmottes et chevaux de Przewalski

Le lendemain, nous nous lançons dans le parc au milieu des marmottes qui détalent vers leur terrier. Elles ont déjà des grosses fesses, qu’est-ce que ça sera à l’automne quand elles auront fait toutes leurs réserves ! On passe la journée à grimper des vallons dans ce décor de rêve, il y a là des pierres tombales qui datent d’une époque où les grands-parents de Genghis Khan n’étaient pas près de voir le jour. Cependant la chaleur est plutôt éprouvante ce jour-là, et la poussière vole avec le vent. La Chevrolet n’est pas sereine, à tout moment on pourrait perdre une roue. Elle n’est pas assez haute pour les chemins annexes. Un 4×4 pour faire le beau en ville, mais sur le terrain, il n’y a plus personne. Du coup, on ne pourra pas se lancer à la recherche de la pierre à cerf, mégalithes gravés il y a des millénaires.

Les pistes du Khustai, pas pour les 4×4 des villes.

De l’autre côté, on bascule dans la vallée de la Tuul, le fleuve principal de la Mongolie. Enfin, « fleuve » est un bien grand mot, on peut le traverser à gué facilement à cette saison. Vaches et chevaux pataugent sur sa rive. La couleur de l’eau n’est pas des plus engageantes, il faut dire qu’elle traverse Oulan Bator en amont, la deuxième ville la plus polluée de la planète.

La spécificité du parc national du Khustai réside bien dans sa faune. C’est un des rares parcs où la vie sauvage est sous surveillance, encadrée par des scientifiques depuis 1992. Et pour cause (ou conséquence), c’est ici que pâture le petit cheval de Przewalski, ou takhi, qui serait le cheval sous sa forme primitive, inchangée depuis des millénaires. Ils restent sur les hauteurs la journée avant de redescendre s’abreuver au creux de la vallée en début de soirée, alors que la température commence à baisser. Après une journée à observer les crêtes, les voici sous nos yeux, troupeaux de femelles et poulains gardés par le mâle dominant. En rentrant vers le camp, les marmottes gesticulent toujours à droite et à gauche. Notre hôte cuisinière est contente de nous revoir, elle nous loue pour cette nuit le ger à côté du sien.

Au delà, la plaine de la Tuul

Nous aussi on est sympa

Le lendemain, le Chevrolet peine dans les embouteillages d’Oulan Bator, sûrement un problème de ralenti, et finit par s’arrêter proche du but. Un passant veut nous aider, il veut qu’on touche ses abdos pour voir combien il est musclé. Il nous prend l’eau que nous avions fait bouillir patiemment pour la rendre potable et la met dans le réservoir pour les essuie-glaces. Intervention inutile, mais merci quand même, c’était rigolo. Plus tard, notre copain loueur vient récupérer la bête blessée. Il dit qu’on a oublié de laver la voiture (effectivement, mais comment on lave une voiture dans un pays où il y a pas d’eau ?), mais que comme on avait eu quelques soucis, il allait être sympa. Oui, nous aussi on est sympa.

3 commentaires

  1. Alexandra sur 28 janvier 2019 à 18 h 48 min

    Merci pour ce partage. Nous aimerions faire la Mongolie en prenant le Transsibérien pour, en quelque sorte, faire du « slow travel ». 9a donne en tout cas très envie d’y aller !

    • Ju sur 28 janvier 2019 à 19 h 26 min

      Bonjour Alexandra, content que l’article t’ait plu !
      Tous les Européens que nous avons croisé étaient en voyage sur plusieurs mois, dont un couple qui arrivait du Transsibérien et descendait ensuite vers la Chine. Nous étions les seuls à avoir fait le déplacement pour 15j !

  2. Valérie sur 26 juin 2019 à 15 h 02 min

    Merci pour ce très chouette compte-rendu! Nous partons dans un mois pour 3 semaines avec nos trois enfants… on a hâte!

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