« Honeymoon in Death Valley » voilà qui ferait un super nom de film pour Quentin Tarantino ou Robert Rodriguez. Imaginez les premières secondes : caméra au ras du sol, une voiture qui arrive dans son dos, frein à main, nuage de poussière, portière qui s’ouvre, une chaussure à talon qui en descend. On voit le bas d’une robe blanche, celle de la mariée qui arrive de Las Vegas. La suite est à imaginer. 

From Dawn till Dusk

C’est ce qu’elle a fait ce soir là, poser les pieds en tenue de mariée dans la Vallée de la Mort. A quoi pensait elle à ce moment là ? Elle avait la mine vaseuse de la celle qui vient de se réveiller. L’heureux marié avait lui aussi l’air fatigué. Il avait conduit depuis Las Vegas, et la route était vraiment la plus triste et désolée qu’ils aient vu jusqu’à présent. Le témoin n’en pensait pas moins.

Un lendemain de mariage comme un autre dans la Vallée de la Mort

Ils avaient longé la zone militaire 51 où l’armée américaine se livrerait à des expériences pas nettes, traversé Pahrump et cette maudite Ash Meadow. Ils ont toujours des noms qui en jettent, ici. Death Valley, Funeral Mountains, Ash Meadow, on va passer les portes de l’enfer. La prairie de cendres portent bien son nom, des miles et des miles de terre sale, de broussailles rases et cramées et à l’horizon des collines qu’ils n’atteignaient jamais. Le vent s’était levé et devant eux, le paysage s’était brouillé. Bientôt le sable cognait aux portières.

Mais maintenant ils s’étaient garés sur emplacement du Texas Spring Campground et repensaient aux dernières 24 heures. Avec l’impression d’avoir eu Vegas pour eux tout seul. Quand vous arrivez à Las Vegas par le nord, vous traversez des zones délabrées. Des gens poussent leur chariot rempli de leurs seules possessions sur le trottoir. Peut être qu’ils ont été comme vous il y a peu, et qu’ils ont tout perdu dans les machines à sous. Ou peut être pas, il y a des gens qui habitent à Las Vegas, il n’y pas que des Casinos. Il y a même des gens qui vivent dans les souterrains de la ville.

Une nuit à Vegas

Mais revenons en à nos tourtereaux. Pour se marier à Vegas, il faut passer par une administration à côté du Police Department, puis choisir une des nombreuses chapelles en ville. « Choose with your Heart » conseille la guichetière sûrement fan de Withney Houston.

Ils sont passés prendre leur quartier au Sam’s Town Hotel and Gambling Hall, qui semble reconstituer un village de la ruée vers l’or sous verrière. Un horrible son et lumière se joue tous les quart d’heures dans son hall. Un lundi d’Avril, vous pouvez avoir une chambre grande comme deux salles à manger pour pas grand chose. Au rez de chaussée et à l’étage, des rangées et des rangées de machines à sous avec personne à plumer. Il n’y a que des vieux malades qui se raclent la gorge ou qui poussent un déambulateur. Déprimant, il faut se barrer. Alors, un bus en dehors de son service les emmène vers des contrées plus animés, sur le strip.

Des notes de jazz s’échappent d’un bar ouvert sur la rue, le Boulevard Cocktail Company est très beau, chic et sobre, au plafond, un nuage de lumière tamisée composé de mille sphères, sur les murs foncés des tableaux inquiétants comme sortis de contes pour faire cauchemarder les enfants. Du Benjamin Lacombe ? Le groupe Moonshine joue des classiques de la culture pop américaine à la sauce jazz, ambiance entre deux guerres, années folles. Les futurs mariés sont dans le même ton, robe blanche pour madame, chemise également blanche, bretelles et casquette gavroche pour monsieur. Ils sont les plus classes du bar, l’américain privilégiant le confort au style dans son habillement. Polo rentré dans le short moulant une vaste hémisphère. La chanteuse les salue chaleureusement à leur entrée et à leur sortie, parce que les autres clients ne la mérite pas, et en plus, ils s’en foutent.

En face, le Tilted Kilt n’est pas un repère d’écossais, les serveuses portent la jupe plissée très courte, le tissu du soutien gorge rappelle aussi les highlands, elles ont quand même un quart de chemisier blanc sur les épaules. Inutile de préciser qu’elles sont pas recrutées sur leurs aptitudes à servir une pinte sans en mettre partout. Il y a là de multiples écrans retransmettant du sport, des étudiants qui font du bruit et des français qui essaient de regarder les filles dans les yeux quand ils commandent. Alors que c’est pas évident.

Rare image de l’auteur, témoin de l’histoire.

Un mariage à Las Vegas

Ils s’engouffrent maintenant dans une galerie commerciale. Des filles jouent du rock, jeans troués et chemises à carreaux, plutôt grunge. Un shoot de vodka pure qui réchauffe le ventre et ils débouchent face au Caesar Palace. Le fameux. La mise minimale pour parier sur du noir ou du rouge est de 100$. Alors, désormais un peu ivres, ils ne font que regarder quelques minutes. Assez rigolé, il faudrait se marier maintenant, le moment est venu !

Il y a des chapelles sur tout l’étage. Dans le couloir, la femme de ménage pousse son chariot. Il n’y a qu’elle. Et eux maintenant. On peut avoir un prêtre 24h sur 24h en demandant à l’accueil, mais là, présentement, ça manque de vie et charme. Le témoin a posé sa bière sur l’autel, officie de quelques mots mal articulés. Les mariés rigolent, mais on verra le lendemain pour se passer la bague au doigt. A moins que ce chauffeur de taxi, un rasta soudanais gigantesque, ne connaisse une chapelle sympa ouverte une nuit d’avril, un lundi ? Il veut absolument être le témoin aussi. Il finit par les laisser devant une chapelle puisque tel était leur vœux. Elle est fermée, il faut trouver un autre taxi.

Demain matin, les voilà tout frais à Graceland entre deux couples de Coréens. Elvis n’est pas là, il faut le commander. John Bon Jovi, Donald Trump et Chucky (la poupée de sang) se sont mariés là, signe de bon goût. Le pasteur s’appelle Jean Claude et est lorrain. Ils se seraient mariés à Metz s’ils avaient voulu être unis par un lorrain. Un father John aurait été préférable. Une séance photo glamour, un bouquet perché dans un arbre et 200 miles plus loin, ils sont dans la vallée de Mort. Le vent souffle et la nuit tombe pour leur lune de miel. 

Pfff, Jean Claude …

Ce récit s’inspire d’un voyage effectué en 2015 qui nous mena de Los Angeles à San Francisco en passant par le Joshua Tree ou Bryce Canyon.

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  1. Californie - Face au Pacifique - Wood & Beers sur 15 juillet 2020 à 17 h 09 min

    […] Pacifique, on avait fini par en rêver alors qu’on traversait les contrées entre Las Vegas et la Sierra Nevada. Le désert, nous en avions rêvé aussi, mais retrouver un peu de verdure et […]

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